Philippe Katerine, la Filature, Mulhouse, 13 Février 2007

Publié le par Alex la Baronne

Krachage chorégraphié

 

Certains ne sont pas taillés pour la gloire. En proie à la pieuvre succès, ils étouffent, se débattent, implosent avec flamboyance. Bien souvent, leur trajectoire ascendante se rompt net, et on retrouve des années plus tard leur trace sur Nanarland ou Bide & Musique.


C'était pas vraiment la folie l'autre soir...

Mardi 13 Février, calée dans un moelleux fauteuil rouge, j'ai donc assisté à un véritable suicide commercial. Un suicide prémédité et annoncé, qui plus est. Car la description officielle de ce spectacle, "une version dansée de Robots après tout, le dernier album de Philippe Katerine", avait de quoi autant rebuter que fasciner. Certes, je ne cache pas un penchant pour l'olibrius, ses slips verts, sa coiffure de vieux clébard et ses textes désopilants. Le soir, seule au volant, je susurre souvent "je suis dans la merde et je vous emmerde" au conducteur du 4x4 dont le pare buffle menace de compacter ma Clio en Smart. Mais le fait est là ; notre vendéen loufoque a galéré incognito pendant 15 ans, et il tient visiblement à faire un pied de nez au succès, ce salaud. Oh, on peut le comprendre. Katerine bénéficie à présent d'une certaine reconnaissance et peut donner libre cours à ses excentricités sans trop risquer. La farce est énorme et les dindons ne bronchent pas.

Mathilde Monnier est chorégraphe. Pas comme Kamel Ouali, je vous arrête tout de suite. Mathilde Monnier est chorégraphe contemporaine. Un qualificatif passe-partout, qui autorise ses heureux propriétaires (usurpateurs) à faire n'importe quoi, surtout du laid, sous un prétexte artistique. Ne vous avisez pas de ne pas aimer. C'est de l'art et si vous ne pigez rien à l'art, vous êtes un grossier personnage. Mais moi, j'ai envie de rire. Car si Mathilde Monnier, la chorégraphe de cette représentation, est une artiste, moi, je suis Dostoïevski. En plus, Mathilde Monnier n'a sûrement pas de vrai métier. Elle n'est pas chimiste, maçon ou secrétaire. Non, Mathilde Monnier invente des chorégraphies où ses danseurs partent en calebute (et en silence) à l'assaut d'une scène muée en Knacki gonflable géante. Un sacré final, n'est ce pas ?

Mais commençons peut-être par le début, même si l'ordre chronologique ne revêt qu'une importance mineure dans ce récit. Au début, donc, tout allait encore bien. Katerine, tout de noir vêtu, chantait "Louxor, j'adore". 6 danseurs discrets l'accompagnaient, esquissant en parfaite synchronisation quelques pas amusants et décalés derrière leurs micros. Conscient du potentiel majeur de son tube, le chanteur se lança alors dans une version gargarisée du mythique "j'adoooooore". Les sages danseurs se muèrent en cavaliers du chaos sur une scène devenue le théâtre d'étranges errances. 10 minutes plus tard, la chanson, d'une durée totale équivalant au quart du spectacle, s'acheva enfin dans une fausse bagarre entre la vedette et un des acolytes. Commencèrent alors des gesticulations sans fin, privées de tout sens esthétique et ludique, même prises au 6è degré. Les danseurs allaient, venaient, se déshabillaient, tenaient des discours surprenants ("Je suis allé au Monoprix hier"), chantaient même parfois les chansons de la star, quand celui-ci ne les chantait pas dos au public ou en playback, accompagné pour l'occasion d'un sample d'une qualité sonore… limitée. A mes côtés, mon collègue sommeillait. Je n'osai pas le réveiller. Les applaudissements finaux s'en chargèrent pour moi. Il s'étira et maugréea : "On dira aux collègues que c'était bien. Après tout, ça n'a duré qu'une heure, on peut bien prendre sur nous et mentir."

Promis, la prochaine fois, j'irai voir Katerine pour un vrai concert. Il parait que c'est mieux, que c'est même super. Je le crois sans peine.

Publié dans Journal d'une groupie

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T
Ska : y'a une différence entre inconnu total et icognito... Katerine, y'a pas grand monde qui connaissait son nom avant qu'il ne passe à la StarAc. Maintenant, il bénéficie d'un succès commercial. Commercial c'est plutôt destiné à la couche grasse de l'auditorat français... Et puis, bien qu'il se soit produit dans des salles honnêtes avant, il a aussi fini de très nombreuses soirées chez n'importe qui, en slip, en hurlant complètement saoul... Je ne suis pas sûre que son trip soit de finir en tête d'une compil' techno-tuning grâce à sa nouvelle notoriété. Il ne doit pas être habitué aux "Poulets N° 3495" qui l'écoutent à présent, ça doit lui jouer des tours...<br /> <br /> Alex : oui, va le voir en concert, quand l'effet "masse" du dernier album sera retombé...
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A
Athalide : je pense que tu peux essayer de voir Katerine en vrai concert, tant que tu évites ce spectacle...<br />  
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S
Justine F : oui, Katerine et Dominique A reprenant Paris de Taxi Girl à la Cité de la Musique dans ce concert consacré à la chanson contestataire, un grand moment !
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A
On se contentera alors des disques... tient je vais me remettre "Copenhague" !
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A
Je pense que voir Katerine dans d'autres conditions (pour un vrai concert) me permettra de gommer ce mauvais souvenir... tout du moins je l'espère ! Et je ne te recommande vraiment pas ce spectacle :-)...
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