Air - Eurockéennes de Belfort (01/07/07)

Publié le par Alex la Baronne

(NDLR : je raconte outrageusement ma vie dans cette chronique de fan. Pardon.)

Je n'aime pas aimer. Les éloges se ressemblent tous, dans le fond. Alors, quand quelqu'un me demande ce que j'ai pensé de telle ou telle splendeur, je lâche un  "C'était pas mal" blasé en haussant les épaules. Tout simplement parce que les panégyriques, ça me saoule. Toujours les mêmes mots, les mêmes déclarations formatées. Formidable, merveilleux, époustouflant, boulversifiant… Gna, gna, gna… On est souvent peu convaincant quand on aime trop. L'amour rend sourd, aveugle et terriblement unilatéral, tout le monde le sait bien.

Heureusement, une exception vient confirmer la règle. Quand on aime à deux, les choses deviennent soudain d'une réjouissante limpidité. Trouvez-vous un compagnon de louanges et votre enthousiasme vous paraîtra moins lourd à porter. Vous pourrez passer des heures dans un ping-pong verbal, à vous renvoyer des "C'était super" béats à la face, sans même vous sentir mièvre.

(Zut, je n'ai pas le droit de rater cette chronique et ça commence mal)

Tiens, en parlant de ping-pong. Vous connaissez ce clip d'AIR, "Kelly, watch the stars !" ? Génial, n'est ce pas ? (le voila)

 

 

Et bien, un jour où je me sentais moins bougonne que d'autres, j'ai tenté d'expliquer à un collègue moins con que d'autres, que Kelly, c'était moi. Enfin, mon vrai moi, le caché. Celui qui ne supportait plus l'ingratitude de ce printemps 1998. Qui ne supportait plus d'avoir 15 ans, de grosses lunettes et des camarades de classe noyés dans un bouillon d'hormones. Mon vrai moi rêvait tout le temps, d'une vie moins fade, d'un prince charmant. Mon vrai moi s'évadait dans les étoiles, explorait la voie lactée, y trouvait de quoi supporter son quotidien et mieux, y trouvait son âme. Car mon vrai moi n'était jamais bien loin. Il me suffisait de caler ma main sur mon menton en cours de français et de penser à ce merveilleux match de ping-pong pour qu'il resurgisse, bien planqué sous mon acné et mon faciès introverti.

Mon collègue a froncé les sourcils.

-          Alex, tu ne peux pas être Kelly !

-          Pardon ?

-          Tu es… Blonde ! Kelly est brune !

Comprenez-vous maintenant pourquoi je ne m'attarde jamais sur les raisons de mon cœur que les autres cœurs ignorent ?

Toujours est-il que le céleste "Kelly, watch the stars !" a révélé mon vrai moi. Pas le moi qui, presque 10 ans plus tard, se traîne au boulot et manipule de l'acide fluorhydrique sans le voir, avant d'entendre sans écouter ses collègues parler foot, bière, cuite et baise. Non, mon vrai moi est resté coincé dans les étoiles, il rédige des chroniques marrantes, et parfois, il se dit qu'un jour, il écrira un truc vraiment intelligent ou gagnera au loto. Si ce moment arrive, mon vrai moi débranchera le pilote automatique, foncera dans le bureau du chef pour y chanter "Au revoir président".

Je crois qu'au propre comme au figuré, je suis un sacré Professeur Nimbus.

C'est sans doute pour ces raisons floues que je pardonne tout à Air, même "Pocket symphony". Parce que comme dirait si bien Jeen, il est quand même sacrément chiant leur petit dernier. Et si "5:55" ne casse pas des briques, il faut uniquement en blâmer Charlotte. Arrêtez donc de vous en prendre à Nicolas et Jean-Benoît, ils ont juste composé ce disque, rien de plus.

Bref, je me fous bien que Nicolas et Jean-Benoît aient une réputation de pisse-froids. Je moque également pas mal de leur image de bobos parisiens, de leur soi-disant appartenance à je ne sais quelle secte menée par un cul-béni chantant. Je les aime de J'ai dormi sous l'eau à Mer du Japon, en passant par le fantastique People in the city. Chez moi, 10'000 Hz legend dort tranquille, un sourire béat sur la jaquette, bien calé entre Surfer Rosa et le White album. Moon safari coule également des jours heureux et trouve encore aujourd'hui régulièrement le chemin de la platine. Quant à Talkie-Walkie, je l'aime autant que ses grands frères, même s'il ne possède pas peut-être pas leur classe.  Mais enfin, ça vous viendrait à l'idée d'abandonner un de vos mômes, tout ça parce qu'il est un peu moins futé que les autres et parle avec un accent bizarre ?

Quand les premières notes du superbe Radian ont retenti sous le chapiteau des Eurocks (Tryo squattait la grande scène…), j'ai pris soudain les 10 dernières années de ma vie en plein visage. Un peu comme Kelly d'ailleurs, quand cette balle de ping-pong si fragile et délicate la frappe sur le front. J'ai plongé dans un océan de calme plein de chatoyants reflets lumineux, au son d'airs intemporels, souvent transcendés sur scène, tels Napalm love ou Cherry blossom girl. Puis sont venus les meilleurs morceaux.  People in the city et sa mélodie finement ciselée, ses chœurs fragiles. Mer du Japon ensuite, légèrement accéléré pour l'occasion. Tout ceci avant un extraordinaire et bionique Don't be light, qui a vu la fange alcoolisée du public pogoter et slammer comme devant les Deftones. Le final fit ensuite la part belle à Moon Safari .Le mythique Sexy Boy ressuscita d'une troupe de synthés – que de matériel sur scène… -  et fit mentir tous les détracteurs de la musique synthétique. Toujours sous vocoders, Air et ses 4 musiciens jouèrent ensuite Kelly, watch the stars ! avant un final scintillant avec La Femme d'Argent. Puis les spots et le fond étoilé se sont éteints, sauf dans mes yeux.   

-                     C'est marrant, hein ? me lança une amie à la sortie du concert. Ils ont l'air plus à leur place derrière un guichet du crédit lyonnais que sur scène… Mais ils jouent cette musique…

Cette phrase marqua le début d'un pong-pong verbal enthousiaste.

Publié dans Journal d'une groupie

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A
Nan bien sûr... (quoique, avec un peu de mauvaise foi, on doit bien pouvoir impliquer Charlotte). Pocket Symphony est, disons, une petite erreur de parcours.Je te retourne le compliment, Thom !
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T
Ok mais est-ce que Charlotte est pour quelque chose dans la chiantise de "Pocket Symphony" ? :-)(réponse : Charlotte non, mais la multiplication des projets avec JB sur trois albums entiers en moins de six mois, OUI, SUREMENT)Content de te retrouver, Alex !
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A
C'est l'occasion de retourner les voir :-) !
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S
Tant mieux. C'est vrai que, moi, la dernière fois que je les ai vus en concert, c'était il y a trois ans...
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A
Oui, je suis malheureusement plutôt d'accord pour Pocket Symphony, même si Left Bank mérite d'être sauvée par exemple. Par contre, ce que j'ai beaucoup aimé lors de ce concert, c'est la capacité d'Air à innover sur la plupart de ses morceaux, qui ne ressemblaient pas forcément note pour note à leurs versions studio. Ca change de bien des groupes...
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