Destins croisés

Publié le par Alex la Baronne

 
C'est l'histoire de deux groupes.
Tous deux sont américains.
Tous deux ont éclos à une période où puer des pieds et fracasser
sa guitare sur scène était de rigueur.

Mais aucun de ces groupes ne puait des pieds ni ne fracassait sa guitare
sur scène.

Ils se sont adaptés, pourtant.

Et à 2 ans d'intervalle, ces deux groupes ont sorti deux chansons étrangement
similaires. Leur premier hit à chacun, d'ailleurs. Ce sont aujourd'hui des
vestiges d'une époque révolue, des hymnes au mal être adolescent, des
satyres d'une jeunesse superficielle et vénale.

En 1994, Beck sort son mythique "loser". La même année, un chanteur aussi complexé que talentueux personnifie magnifiquement le hit. Rivers Cuomo est le déconcertant leader de Weezer. "Undone (the sweater song)" débute par une conversation adolescente calée sur des arpèges électriques angoissants. Il y est question d'un concert inratable et de son indispensable after. En complet décalage avec ce confiant dialogue, le phrasé monocorde de Cuomo prend alors le relais.  On découvre alors un adolescent en pleine crise ingrate, en proie au doute et au malaise.

Oh no
It go
It gone
Bye-bye
Who I
I think
I sink
And I die

Amorcé par un déluge de guitares grunge, le refrain confirme le trouble avec un humour indéniable. Car dans l'univers impitoyable des teens, la popularité et l'exclusion ne tiennent qu'à un fil de pull-over...

 

If you want to destroy my sweater
Hold this thread as I walk away (as I walk away)
Watch me unravel, I'll soon be naked
Lying on the floor (lying on the floor)
I've come undone

I don't want to destroy your tank-top
Let's be friends and j
Cuomo décrit ce titre comme "à la fois triste et comique".Réalisée par 
Spike Jonze, la vidéo d'"Undone" exploite pleinement ce décalage. On y
découvre un groupe plutôt sombre, jouant au ralenti, perdu sur une morne
scène envahie par des chiens. Weezer vient de s'assurer un énorme succès
d'une façon bien singulière.


1996. Cette intro en rappelle furieusement une autre, avec ses arpèges
oppressants et son dialogue juvénile. Soudain, les phrases défilent à une
vitesse impressionnante, portées par une rage et un cynisme explosifs.
"Popular" ou comment devenir une pétasse en 10 leçons. Matthew Caws, le
chanteur de Nada Surf, n'a pas pourtant vraiment l'allure d'une rock star.
Non, il ressemble au gendre idéal, poli, aimable, cultivé. Mais les mots sont là.
Et ils frappent là où ça fait mal. En plein cœur d'une jeunesse universitaire
américaine à la fois puritaine et dépravée.


Being attractive is the most important thing there is
If you wanna catch the biggest fish in your pond
You have to be as attractive as possible
Make sure to keep your hair spotless and clean
Wash it at least every two weeks
Once every two weeks
And if you see Jonny football hero in the hall
Tell him he played a great game
Tell him you like his article in the newspaper

Le refrain choc démarre lui aussi dans un flot de guitares crades et 
dénonce ironiquement un univers fondé sur l'apparence et la tromperie. Car
aux States, les pom-pom girls et les quarterbacks font la loi avec leurs codes
trendys.

I'm head of the class
I'm popular
I'm a quarter back
I'm popular
My mom says I'm a catch
I'm popular
I'm never last picked
I got a cheerleader chick

La video de "Popular" se révèle le fidèle support de son texte. On y retrouve 
une cheerleader aussi fourbe qu'aguicheuse, des sportifs idiots et un groupe
à la colère contenue sous un vernis lisse.



Aujourd'hui, Weezer n'existe pour ainsi dire plus. Comme Nada Surf, 
le groupe avait opéré un brillant virage pop, plus proche de ses aspirations
réelles.
Après "Undone" et "Popular", "Island in the sun" et "Always love"…

Publié dans Chansons à thème

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A
Guic' : en fait, ce que je voulais dire, c'est que le groupe fait "une pause à longue durée indéterminée"... mais peut-être que je me trompe et que l'on entendra parler de Weezer très bientôt ! Je l'espère en tout cas.Ska : c'est vrai, je n'avais jamais envisagé "Popular" sous et angle là... Les couplets sont effectivement plus inquiétants et rageurs que le refrain !
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S
La mise en parallèle des deux morceaux est effectivement bienvenue. Beaucoup de similitudes, c'est vrai. Je trouve d'ailleurs que Popular est un des morceaux de cet époque qui vieillit le mieux : cette voix parlée, inquiétante et malade, qui déraille jusqu'à la rage... Finalement, je préfère ces moments-là, ces couplets, au refrain plus mélodique et qui vient paradoxalement, adoucir, le morceau... Je ne connaissais pas le clip de Popular, il est assez réussi. Nada Surf a aussi le mérite de n'avoir jamais cessé d'enregistrer d'excellents albums sans faire beaucoup de bruit (enfin, façon de parler...).
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G
un article surprenant mais toujours aussi interessant... Et c'est vrai qu'il y a un lien entre ces deux titres que j'avais jamais remarqué...Après, je suis pas s'accord pour dire que Weezer existe plus... "We are all on drugs " et "Beverly Hills " sur le dernier album sont bien trippantes... En fait Weezer est vraiment un groupe super si on le prend pas au serieux... Mais Pinkerton reste un album magnifique : super pechu, mais qui ne parle que de deprime... et de la volonté d'arreter les exces....(no sex, no drugs and rock n' roll?? mouis... moyen.Enfin, quoiqu'il en soit, encore merci pour c't'article!
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A
D'avance, je m'excuse pour la mise en page désastreuse de cet article... mais mes connaissances en informatique m'empêchent de faire mieux !
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