Mika Festival de la Foire aux Vins de Colmar (14/08/2007)
La Salle des Coffres, c'est l'endroit de Mulhouse à éviter si votre éthylotest reste désespérément sobre. Et même dans le cas contraire d'ailleurs. Pourtant, c'est précisément dans cette boîte à kékés qu'un de mes collègues posa sa patte gluante sur mon épaule avant d'asséner à mes oreilles brouillées un : "Quoi ??? Toi aussi, tu danses sur Mika ???". "Miquoi ?" hurlai-je, avant qu'un "Take it eaeaeaeeaeaeaeasy" hululé à plein volume n'achève définitivement mes frêles esgourdes.
Deux mois plus tard, ce concert du libanais sautillant présente pour moi des relents de gueule de bois. Oui, je sais. Des gens très bien ADORENT Mika. Le collègue d'un ami envisage une permanente pour "lui ressembler et tomber les filles" (sans être trop sûr du résultat toutefois), d'autres voient dans ses prestations le sceau d'un nouveau Freddy Mercury, mon stagiaire a passé des heures entières à me ruiner les tympans avec sa version a cappella de "Love today". Ma sœur elle-même se damnerait pour prendre ma place, là, dans ce théâtre de plein air complet à craquer. Pourtant, seule la curiosité me pousse à rester. Je voulais voir les Rakes avant lui, point barre. Mika est sympa, attachant, ses singles parfaits pour se détendre le Samedi soir, mais je m'attends à un show adulescent pour minettes NRJ. Ce concert va dépasser mes espérances les plus folles et une fois encore, je regrette d'être définitivement sortie de l'enfance, de ne pas passer mes Samedi soirs à chantonner des génériques de dessins animés 80's. Je regrette également de conchier Harry Potter, de ne pas affectionner les arpèges de synthé dégoulinantes. Parce que pour apprécier pleinement la totalité du concert de Mika, il faut vivre dans cet univers. Ou alors avoir moins de 16 ans et demi.
J'avoue ne jamais avoir vu cela. Une redingote pourvue d'une nageoire dorsale. Le temps pour notre star de s'en débarrasser et place au dynamique "Take it easy". La fosse hurle, saute. Au premier rang, quelques jeunettes tentent de peaufiner leur maquillage dans la cohue, des fois que leur idole les remarquerait. "Big girl", une pâle imitation du "Fat bottomed girls" de Queen, suffit à fanatiser la foule, notamment quand surgit sur scène la cousine du chanteur, dotée d'un gabarit et d'une tenue en phase avec le contenu du titre. Pour l'instant, tout va bien, ce show démarre énergiquement et je ne peux m'empêcher de m'amuser.
Survient ensuite le drame. Après avoir manqué se vautrer d'un tabouret manifestement extralucide, notre palilalie des ondes s'installe auprès d'une chose qui est à un piano ce que la fraise tagada est à la gariguette sucrée à point. Décrire le son produit par ce machin relève tout simplement du bad trip. Disons simplement qu'un fichier MIDI de "l'aventurier" d'Indochine possède une finesse et un rendu supérieurs. Attablé devant les touches maudites, Mika accouche pour son public conquis d'une pelletée de ballades plus dégoulinantes les unes que les autres et révèle ainsi la nature véritable de son premier opus, "Life in cartoon motion", où un remplissage poussif enrobe quelques singles marrants. L'audience n'en a cure, néanmoins. "Billy Brown" voit quelques briquets et beaucoup de téléphones portables s'allumer dans une touchante communion, avant une couinarde reprise de "Sweet dreams", qui redore soudain le galon gothique de Marylin Manson, auteur avec plus de brio du même sacrilège. "I want you back" des Jackson 5 connaîtra le même sort, abâtardie par un groupe laborieux et des ultrasons vocaux dispensables. A l'aube du plus réussi "Love today", Mika place toute son énergie dans d'amusantes (et involontaires ?) imitations de ses idoles : il arpente la scène torse poil comme Freddy Mercury, adopte une posture christique chère à Jim Morrisson, tambourine avec l'enthousiasme d'un Johnny Clegg avant quelques déhanchements chers à tonton Iggy. Les lumières s'éteignent, le public hurle. Le rigolo "Grace Kelly" achève les gorges les plus résistantes. Mika présente ensuite son guitariste vêtu d'une chemise à fleurs, son bassiste discret, son claviériste invisible, "sa méchante batteuse", le tout dans un français impeccable. La petite troupe prend gaiement le chemin des coulisses.
Ils reviendront déguisés en poule, lapin, pélican et deux autres bébêtes du même genre. Une scène de fausse baston voit la "méchante lapine-batteuse" l'emporter sur ses camarades masculins. Mika la poule interprète ensuite "Lollipop" dans un lâcher de ballons et de confettis qui porte au mieux à gentiment sourire. Car un concert de Mika, c'est comme une boite de chocolats, mais on sait précisément sur quoi on va tomber. Sur des Quality Street, pas dégueus au demeurant, vendus dans tous les supermarchés et fabriqués pour plaire à tout le monde. Les amateurs de pralines de meilleure facture se rabattront avec modération sur I am from Barcelona.
Retrouvez cette chronique sur Dark Side of The Rock