The Good, The Bad & The Queen - The Good, The Bad & The Queen (2007)
Note album : 7,5/10
Cela fait bien 20 minutes que je regarde ce maudit curseur clignoter et je n'aime pas cela. Souvent, avant de m'atteler à la rédaction d'une chronique, mon opinion se fixe, puis s'étoffe presque malgré moi au fil des paragraphes. Pourtant, "The Good, The Bad & The Queen" me laisse irrémédiablement perplexe. Ce disque me séduit, mais de loin. Un peu comme si je m'abandonnais à la contemplation d'un garçon très beau, mais dénué de l'étincelle de vie capable de me charmer.
J'ai tout d'abord pensé qu'il s'agissait d'une histoire de moment. Les puristes vous le diront tous. Si vous n'avez pas aimé un disque, c'est soit "parce qu'il ne se révèle qu'après de nombreuses écoutes", soit parce que "vous ne l'avez pas écouté au bon moment". Le supergroupe de Damon Albarn meubla donc un soir de panade sentimentale poussée, trotta à mes côtés durant une ballade campagnarde ensoleillée, me précipita vers un sommeil salvateur. Rien à faire. Certes, je perçois aisément l'ineffable beauté d'"History song", la douce classe psychédélique des idylliques "Green fields", la mélancolie mature d' "80's life". Mais cette électro-pop gracieuse reste trop désincarnée pour totalement m'envoûter.
Au fond – et c'est bien légitime – ce disque ressemble plus que tout autre à son propriétaire. Ne nous leurrons pas. Le mythique Paul Simonon et sa basse cette fois intacte, Simon Tong libéré du pompeux et pompant Ashcroft ainsi que le batteur Tony Allen s'apparentent plus à des mécènes de luxe qu'aux membres d'un groupe qu'après maints chichis existentiels, leur leader Damon Albarn se refuse à baptiser. Ses fans l'admettront : le Damon frise parfois la franche mégalomanie et n'est pas toujours super bien embouché avec son public. Cet adepte convaincu du Treat them mean, but keep them keen mérite cependant le respect le plus absolu pour l'ensemble de sa carrière, d'un éclectisme tout bonnement admirable. Idole des teens avec "The Great escape", plus sombre durant "Blur" et son virage américanisant, le chanteur s'est ensuite mué en marionnettiste aussi voyant que nimbé de mystère pour les facéties pop-hip-pop (pardon, l'allitération était facile) de Gorillaz. Et voici qu'à l'aube de la quarantaine surgit ce disque un tantinet déconcertant, drapé d'une aura conceptuelle. "The Good, The Bad & The Queen" se veut une description du Londres bohême et transporte dans une brume aussi scintillante qu'inaccessible. Au fil de belles ballades dématérialisées évoquant parfois même Air, le supergroupe explore froidement les voies d'une élégie inaccessible,qu'un piano aérien maintient loin de toute véritable émotivité ("Northern whale", "Herculean"). Si dans le milieu du disque, le groupe s'enferme dans une certaine répétitivité, les derniers morceaux au psychédélisme délicatement festif, tels "Three changes" et la chanson titre dotée d'un final ébouriffant, bouclent élégamment la boucle. Et je ne sais toujours pas quoi ressentir à l'écoute de ce disque, si classe mais si distant. Je n'ai pas l'habitude qu'un bel album me snobe.
Classe : "Green fields", "The Good, The Bad & The Queen", Northern whale"
Crasse : Nature springs"
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