The Libertines bound together, Anthony Thornton and Roger Sargent

Publié le par Alex la Baronne

On connaît le NME. Aussi excessif que versatile, le célèbre hebdomadaire britannique prend un malin plaisir à brûler ce qu'il a adoré, d'Oasis à Radiohead. Seuls quelques groupes mythiques ont su s'éviter les foudres de journalistes payés pour vendre un des seuls tabloïds rocks au monde. Les Libertines appartiennent à cette caste privilégiée.

Quand il rencontre pour la première fois le duo infernal Pete Doherty-Carl Barât, Anthony Thornton, journaliste au NME depuis 1998, n'en croit pas ses yeux. Devant lui, les 2 jeunes gens donnent un concert pour une cinquantaine d'admirateurs assez chanceux pour avoir cru à un post sur le site du groupe annonçant un concert dans leur appartement. L'initiative étonne et détonne en ces temps sombres où le nu metal de Limp Bizkit écrase la concurrence. Immédiatement, l'auteur perçoit la portée réelle d'un tandem assez génial pour innover musicalement tout en restant singulièrement proche de son public. Après avoir séduit les magnats du label Rough Trade, les Libertines atterrissent du jour au lendemain en couverture du NME. Ils auront pourtant mis 6 ans à se faire remarquer.

Magnifiquement illustré par les clichés de Roger Sargent, le photographe officiel du groupe, cet ouvrage de 300 pages passe bien vite sur les années de galère du groupe pour se consacrer à la trajectoire fulgurante des lads d'Albion. En quelque sorte, The Libertines bound together est la bible de tout bon fan du groupe, tant Anthony Thornton s'emploie à camoufler les travers stupéfiants d'un Pete Doherty déifié et même comparé à Saint Sébastien. Avec un tel concert de louanges, pas étonnant que ce dernier ait adoubé le journaliste, le trouvant même "meilleur que Lester Bangs". Carl Barât, décrit dans le livre de Pete Welsh, Kids in the riot, comme un véritable salopard paranoïaque et toxicomane retrouve ici le rôle du Sauveur, prêt à tout pour aider son âme damnée Doherty. Disséminés dans un récit lyrique, les témoignages de proches expriment une admiration sans borne pour la synergie de 2 talents exceptionnels, portés par un amour et une complémentarité étonnants.  Toutefois deux voix dissonantes s'élèvent dans ce panégyrique trop beau pour être honnête : celles de la section rythmique du groupe, les pauvres John Hassal et Gary Powell. Bassiste de talent, le premier exprime franchement (et brièvement) sa rancune devant l'interdiction de chanter et de composer qui le musela au sein des Libertines, tandis que le second tance vertement Pete Doherty. Peu diplomate, le fiancé de Kate Moss a en effet multiplié les déclarations diffamatoires à l'encontre des 2 pièces rapportées de la formation, accusées de troubler son intimité avec Barât. Ces quelques protestations sont néanmoins étouffées par la verve de Thornton, qui analyse finement les meilleures chansons du groupe, de "What a waster" à "Can't stand me now". En bon expert médiatique, l'auteur consacre également de nombreux paragraphes à la surprenante proximité de Doherty avec ses fans, notamment grâce au site internet du groupe, où celui-ci posta de nombreux messages. Invitations à des concerts dans les célèbres Albion rooms, anecdotes piquantes, confidences sur sa relation tumultueuse avec Carl, l'enfant terrible du rock donna énormément de sa personne à ses admirateurs. Un fait touchant jusque là inédit dans l'histoire du rock, pourtant riche en excentricités.

Malheureusement, tout a une fin. De façon plutôt édulcorée, l'auteur narre la descente aux enfers d'un Doherty incapable de suivre un programme de désintoxication. Malgré le soutien de Carl Barât, qui lui pardonna un cambriolage et ses absences répétées, le clash irrémédiable survint fin 2004. "The Libertines" restera le second album du groupe. Autant pour consoler le lecteur que lui-même, l'auteur invoque un groupe mythifié par sa brieveté, fauché avant un déclin fatal. Un troisième album n'aurait pas été de trop, toutefois.

 

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The Libertines – Up the bracket

The Libertines – The Libertines

Babyshambles – Down in Albion

Dirty Pretty Things – Waterloo to anywhere

Pete Welsh – Kids in the riot : high and low with the Libertines

Publié dans Saines lectures

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A
Thom : c'est vrai que la bio ne peut qu'être qu'incomplete, mais il y a déjà une sacrée histoire, qui plus est agrémentée de très belles photos... Alf : oui, peut-être monsieur Doherty a-t-il choisi de se ranger... mais je n'y crois pas trop !
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A
Peut-être ce garçon a-t-il déjà tout dit? Et au lieu de faire traffiquant d'âmes en Abyssinie, il a préféré la pêche à la ligne avec mademoiselle Moss...?
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T
Je sais bien qu'il y en a plusieurs...en fait ma question était plus relative au fait d'avoir envie de lire une bio qui, avec si peu de recul, ne peut-être qu'incomplète...mais je m'étais mal exprimé, mille excuses...
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A
Oh, il n'y en a pas qu'une... Il y en a 2 sur les Libertines, plus un nombre impressionnant sur Pete Doherty (dont un ouvrage rédigé par sa propre mère, hum...). Ta question est plutôt juste, même si elle ne m'avait pas interpeléeen premier lieu. Après tout, j'ai vu à la FNAC une bio de Vincent Perrot, alors pourquoi pas une sur les Libertines alors que ceux ci n'ont que 28 ans ?
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T
Hum...je n'ai pas lu le livre, mais une question m'interpelle : le groupe n'est même pas séparé depuis deux ans et on a déjà une biographie ? N'est-ce pas un peu excessif ? Il est courageux, ce Thornton (ou intéressé ?), dans la mesure où il est probable qu'il doive en écrire une autre dans dix ans...:))
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